Vie, Voyages et Avantures de Mr P… Ecrits par lui-même. Dédiés à l’Amitié. 1798
In-12, 195*155mm, (2)-122p.
Manuscrit inédit et complet de ce récit épistolaire, contenant 41 lettres. Ce manuscrit est la version définitive, écrit sur des cahiers signés comme ceux d’un livre (A-E12F4).
Sur la première page, on lit « M Péan, officier de marine, ami de mon gd oncle. Ils se sont connus en Allemagne pendant l’émigration ».
L’auteur nous étant tout d’abord inconnu, nous avons rassemblés les indices contenus dans le manuscrit :
- l’auteur, né avant 1761, d’une ancienne famille bretonne, avait visiblement un demi-frère.
- il était de M…, province de B…, à deux lieues d’un fort faisant office de prison d’Etat, dont s’occupait une compagnie d’invalides.
Après quelques recherches, il a d’abord été assez aisé d’identifier Morlaix, province de Bretagne et le château du Taureau (voir ici), puis à l’aide des sites de généalogie, nous avons identifié Georges François Péan marié en secondes noces à Thérèse Nicole de Penhoadic, secondes noces pour elle aussi, et ayant des enfants d’un premier mariage. En revanche, le fils Georges Marie Péan, né et baptisé le 13 novembre 1760, était absent des généalogies, qui n’indiquaient que les frères et sœurs morts en bas âge. La trace a été retrouvée dans les registre paroissiaux de l’église Sainte-Mélaine de Morlaix.
Ce manuscrit est un résumé de sa vie. Il y raconte comment son père, peu fortuné et d’ancienne famille de la province, voulut l’intéresser à la carrière ecclésiastique puis espéra lui céder son travail, ce qu’il refusa. Il s’engagea alors contre l’avis de son père dans un régiment qui était alors en garnison près de chez lui. Mis en prison pour avoir fouetté « avec de l’ortie deux ou trois jeunes filles », il tomba gravement malade, au point de recevoir les derniers sacrements, et eut un congé. Son père l’aida alors à s’engager sur un vaisseau.
Il allait partir alors pour l’Amérique, avec une division aux ordres du comte de Grasse, mais en rade de Brest (?), son vaisseau partit alors qu’il était en permission. Il partit quand même pour l’Amérique, la Guyane en réalité, et y resta comme garde-côte pendant « trente et quelques mois ». Il eut affaire à des corsaires, alla au Surinam et fit naufrage. De retour vers l’Europe, il fut fait prisonnier par une flotte de guerre anglaise, sous le commandement de l’amiral Derby, qui montait le vaisseau The Britannia.
Libéré, il retourna vers la Bretagne pour repartir vers l’Amérique, la Dominique et la Guadeloupe, puis vers Terre-Neuve. Il passa un détroit, vraisemblablement celui de Belle-Isle, rencontra des loups marins et des esquimaux, nommés ici sauvages. La lettre XXIII donne une belle description sur 2 pages de ces esquimaux. Il est alors avec M. de La Peyrouse.
Le 8 août 1782, La Peyrouse arrive dans la baie d’Hudson. Le fort Wallis (fort prince of Wales) se rend et est pillé puis détruit en partie (ils firent sauter la poudrière). Cette partie est bien décrite aussi dans le manuscrit. Ils prirent ensuite le fort d’York (appelé aussi fort Bourbon ou York Factory), puis font route vers Cadix, où il vit passer le comte d’Artois et le duc de Bourbon.
Il partit de nouveau en Amérique, puis vers les Indes (Pondichery, Trinquemaley) puis vers Ceylan (Colombo) où ils furent reçus par le calife. Il passa devant Bombay et décrit rapidement le port et les fortifications, mouilla près de Surate, Mascate, Malacca puis Manilles, près d’où ils réparèrent une frégate. Après quelques voyages, il alla sur l’ile de l’Ascension fin septembre 1789 (une des rares dates inscrites sur le manuscrit).
Fin 1792, il était à Toulon, lors de journées insurrectionnelles, notamment le 24 août. Il y rencontra une fille qu’il voulut épouser. Il la demanda en mariage, rentra en Bretagne en octobre mais émigra sans l’avoir épousée. Il arriva à Enghien, pourtant sous domination française, mais les émigrés y étaient en paix sur ordre de Dumouriez. Il mentionne le 21 janvier 1793 « Jour à jamais mémorable pour le Martyre du Meilleur des Rois », jour aussi où il quitta Enghien pour Montjoye sur conseil du colonel de Dampierre (révolutionnaire, futur général). Arrêté en chemin, il manqua d’être fusillé et fut amené au colonel qui lui sauva la vie. Il décrit aussi le peu de respect pour les ordres donnés dans l’armée française alors. Il eut encore quelques déboires, malgré l’ordre du colonel, qui l’arracha « des griffes de ces vautours ». Il finit par rejoindre l’armée de Condé.
Document rare, riche en anecdotes.
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